C’est à la Fleur de Lys, restaurant tenu par «The Jung Student Jazz Band of Delémont», tel était le nom prestigieux que se donnèrent, dès 1946, les premiers «apprentis » du Jazz à Delémont. Cet orchestre, qui devint peu de temps après le célèbre « Steamboat Jazz Band », doit être encore présent à la mémoire de ceux qui connurent « La Fleur de Lys ».

C’est en effet dans ce restaurant, tenu par Madame Piegay, que les amateurs de jazz de l’époque venaient applaudir les musiciens qui jouèrent dans cette formation : Charly Jacquemai (p.et bj), Charly Anker (tp), Wandfluh dit « La Fleur » (tb et voc.), Riri Buesch (b), Gérard Rocquier dit « Dgége » (p.),Pierrot Mockaert (cl), Dédé Hauser (cl.), Polo Bovée (dr), André Brahier dit « Le Braille » (sax.sop.), Jean-Pierre Koenig dit « Keukou » (dr.) et bien d’autres encore.

Comme la  plupart des orchestres de Jazz, le « Steamboat Jazz Band » connut diverses fortunes, pour finir en 1953 sous le nom de «Charly Jacquemai Quartett » avec lui-même au piano et Riri Buesch, André Hauser et J.-P. Koenig.

Vers 1950,c’est-à-dire en même temps que le Steamboat Jazz Band, une deuxième formation vit le jour à Delémont. Elle fut connue sous le nom quelque peu équivoque de « Honky Tonk Jazz Band ». En effet, à La Nouvelle Orléans, dans la quartier de Storyville où se produisaient les orchestres de Jazz, Honky Tonk signifiait tout simplement « maison close ».

Les musiciens du Honky Tonk Jazz Band : Jean-Pierre Affolter dit « Fofol » (tp), Pierre Burkhard dit  « Boquet » (cl.), Jo Roggli (g.), Robert Portmann dit « Hoppy » (p.) puis Michel Borgognon dit « Borgo » (p.). Pierre Gyger dit « Pouët », Nicolas Carnat dit « Nico » (tb.), Jean-Pierre Koenig dit « Keucou » (dr.) puis Manfred Pemsel (dr.), Marcel Bingqeli dit « Picou » (b.), portèrent le flambeau du Jazz à Delémont jusqu’en 1958.

Le Collège de Delémont allait donner naissance, vers 1955 à une phalange de jeunes musiciens de Jazz : le « Without Name Jazz Band, avec Georges Feune (cl.), Maurice Juillerat (tp.), André Crevoisier dit « Le Cre » (g.), Alain Etienne dit « Têts » (b.), Daniel Wehrli (tb) et Jurg Gerber (p.). La  plupart des jazzmen des deux formations ci-dessus allaient se retrouver réunis en 1959 sous le nom de « Académic Jazz Group », et cela jusqu’en 1962. Il convient d’ajouter, à ceux des musiciens précités, les noms de Frédy Gygax (bj), Francis Silvan, Roland Neuenschwander, Jean-Pierre Castelli et du soliste chanteur Jean-Mô Christe.

Aux concerts de la « Fleur de Lys » des années 50 succédèrent les jam-sessions du D’lém’ des années 60 où chaque dimanche matin, musiciens et amis du jazz se donnaient rendez-vous. Puis, pendant cinq ans, chacun rangea  soigneusement son instrument dans le placard. C’est en 1966 que tout le monde se réveilla.

Une bande de copains de la Vallée, étudiants à l’École Cantonale de Porrentruy, avaient formé un orchestre de danse. Bientôt, ils s’initièrent au jazz qui devint rapidement leur seule forme d’expression musicale.

Ces musiciens, Eric Chèvre (tp), Roland Aubry (tb), René Leuba (cl), Josée Lovis (p), Philippe Schonenberger (bj, g.), Philippe Lovis puis Pierre Montavon (b), François Keller (dr), furent connus sous le nom de « Old Créole Jazz Band ». Leur local de répétitions, la cave du Gaspard Simon située Sur le Grioux, devint durant les années 67-68 un temple du Jazz où eurent lieu de nombreuses jam-sessions, ce qui permit aux « anciens » de se plonger à nouveau dans l’ambiance.

Malheureusement, la fin de leurs études gymnasiales dispersa les musiciens du Old Créole dans divers établissements universitaires, ce qui signifia la fin prématurée de l’orchestre.

En 1968-69, sous l’impulsion des premiers Festivals de Jazz de Delémont et des jam-sessions, naquit le « Without Name Jazz Quartett », c’est-à-dire le « Quatuor de Jazz sans nom », formé de Georges Feune (cl), Paul Berberat (b), Gérard Kummer (p) et Jean-Pierre Koenig (dr), auxquels vint se joindre plus tard Maurice Juillerat (tp.). L’orchestre prit dès lors le nom de « Nameless Jazz Group ».

À la  même époque un événement, la première Braderie Prévôtoise, allait être à la base de la création d’une nouvelle formation : le « Harlem Hot Seven ». Pour cette occasion, Michel Monnier (tp) de Moutier réunit autour de lui Georges Feune (cl), René Leuba (cl), Roland Aubry (tb), Philippe Schonenberger (bj), Paul Berberat (b) et Petitjean (dr). Après une seule répétition, cet orchestre hâtivement créé mit une ambiance du tonnerre, durant trois jours, dans une des caves de la Braderie !

Autre événement d’importance : l’ouverture du bar à café « Le Barillet » en juin 1968. La tenancière d’alors, «  La Godulphe », épouse du  Braille  (qui chatouilla du saxophone jadis dans le Steamboat Jazz Band), aimait bien le jazz. Elle organisa, durant deux saisons, de nombreux concerts dans son bar, ce qui permit aux musiciens du Nameless Jazz Group, puis du  Harlem Hot Seven de se produire régulièrement en public, dans une ambiance assez extraordinaire.

Dès 1971, après le départ de plusieurs musiciens du Harlem Hot Seven, se créa l’actuel Dixie Hot Six avec Michel Monnier dit «  Pentax », puis Raymond Bernier dit  « La  Berge » et enfin Jean-Michel Nobs dit « Mick » ( tp ), Georges Feune ( cl ) , Nicolas Carnat ( tb ), Philippe Schonenberger (bj et g.), Paul Berberat( b ) et Jean-Pierre Koenig( dr ). Malgré les changements de trompettistes, le Dixie Hot Six a tenu déjà cinq ans, contre vents et marées. Puisse-t-il vivre encore longtemps.

 Deux grandes époques ont donc marqué le Jazz à Delémont :

Les années 50, avec le Steamboat Jazz Band, le Honky Tonk Jazz Band, le Without Name jazz Band et l’Académic Jazz Group.

Le renouveau, de la fin des années 60, avec le Old Créole Jazz Band, le Nameless Jazz Group, le Harlem Hot Seven, le Dixie Hot Six  et la naissance en 1967, sur l’impulsion de Robert Membrez et du DHS, du premier des 12 « Festivals de Jazz de Delémont » et dès 1976 de l’ouverture du Jazz-Club à la Place Monsieur.

Soulignons encore le passage à Delémont de grands musiciens de jazz, tels que Sidney Bechet, Wild Bill Davisson, Quincy Jones et  » Champion  » Jack Dupree.

(Archives des festivals de Jazz. Paru dans le Démocrate en 1976, signé PB)